Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189...
Je continue à dire “chez nous”, bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n’y reviendrons certainement jamais.
Nous habitions les bâtiments du Cours Supérieur de Sainte-Agathe. Mon père, que j’appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours Supérieur, où l’on préparait le brevet d’instituteur, et le Cours Moyen. Ma mère faisait la petite classe.
Ainsi débute Le Grand Meaulnes, d'Alain-Fournier. Une fois passée la difficulté de prononcer la première phrase, on plonge alors dans une histoire intense d'amour et d'amitié, que - je me dois de le dire - je n'ai malheureusement pas lue. Je n'avais pas vu non plus l'adaptation de 1967 d'Albicocco, celui qui n'avait pas su résister à l'appel de Laforêt en l'épousant en 61, avec Brigitte Fossey dans le rôle d'Yvonne. En (guise de) revanche, j'ai regardé la version de Jean-Daniel Verhaeghe, réalisateur classique reconnu, dont le nom est cependant moins connu que son oeuvre puisqu'il signa par exemple la célèbre Controverse de Valladolid, en 92.
Je manque donc d'un peu de recul pour juger ce film mais d'emblée, je fus conquis par le style narratif du récit. L'image est belle, l'histoire attachante, les décors efficaces. Le film m'a néanmoins posé un problème majeur : l'on n'a aucune conscience du temps qui passe. Alors que l'histoire se déroule sur plusieurs années, seule la grossesse d'Yvonne garantit le passage d'un certain nombre de mois (en gros, neuf) et la moustache de Maunier est limite ridicule. Le début est plaisant, la fin plus laborieuse. Le film a cependant le mérite de donner envie de lire - ou relire - le roman.
Clemence Poesy (ça existe, un nom pareil ?), révélée dans Harry Potter et la Coupe de Feu, joue ici une Yvonne de Galais convaincante, un ange descendu sur Terre. Comment ne pas l'aimer à sa première apparition, comme le fit Augustin Meaulnes ? La fête des Sablonnières est le moment-clé du film, celui des promesses données, celui des attachements soudains. Yvonne ensorcelle Meaulnes, Meaulnes envoûte Frantz. J'avoue avoir un faible pour ces histoires d'amour passionnées, pas forcément heureuses, mais intenses.
Né en 1886, Henri Alban Fournier, dit Alain-Fournier, fait ses classes dans l'école de ses parents instituteurs jusqu'en 1898. L'on peut d'ailleurs encore la visiter, à Epineuil-le-Fleuriel, dans le Cher. Il partira pour Paris préparer l'Ecole Normale Supérieure au lycée Lakanal. En 1905, il rencontre une jeune fille avec laquelle il entretient une grande, belle, étrange et mystérieuse conversation. Elle n'a sans doute jamais su qu'elle allait devenir l'héroïne du Grand Meaulnes, sorti en 1913.
Alain-Fournier est mort à 28 ans, en 14, sur le front de Verdun. Son corps n'a été retrouvé et identifié qu'en 1991.
-> Site officiel du film
-> L'école du Grand Meaulnes, par Quichottine
-> Un autre regard sur le film, celui de Cat
[Le Grand Meaulnes, de Jean-Daniel Verhaeghe, 2006, actuellement sur Canal+]