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Publié par Maître Po

Les visiteurs du soir

Il est des films qui vous marquent. Les visiteurs du soir fait partie de cette catégorie. Il est des films qui vous marquent à vie. Les visiteurs du soir fait partie de cette catégorie. Il est des films qui vous marquent à vie que l'on préfère ne pas revoir pour en garder le souvenir intact. Pour moi, il fait aussi partie de cette catégorie, mais peut-être est-ce une erreur ?

 

Or donc, en ce joli mois de mai 1485, Messire le Diable dépêcha sur terre deux de ses créatures afin de désespérer les humains...

L'histoire est... diabolique. Sur fond de château médiéval, avec montreur d'ours et nains encagoulés, Hugues (Fernand Ledoux), le châtelain, fiance sa fille, la pure Anne (Marie Déa), avec Renaud (Marcel Herrand), le chevalier, mais deux frères troubadours, Gilles (Alain Cuny) et Dominique (Arletty) entrent dans la danse. Gilles chante (mais pas Renaud). Écoutons-le :

 

Démons et merveilles, vents et marées,
Au loin, déjà, la mer s'est retirée.
Et toi, comme une algue doucement caressée par le vent,
Dans les sables du lit, tu remues en rêvant.
Démons et merveilles, vents et marées,
Au loin, déjà, la mer s'est retirée.
Mais dans tes yeux entr'ouverts, deux petites vagues sont restées.
Démons et merveilles, vents et marées,
Deux petites vagues pour me noyer.

 

Tandis que Dominique séduira Hugues et Renaud en leur révélant sa troublante féminité, Anne s'éprend de Gilles. La rivalité couve entre le gendre et son beau-père, attisée par la malfaisante Dominique. Gilles hésite à remplir sa sinistre mission. Aussi, dans un tonnerre étourdissant, un étrange visiteur (Jules Berry) fait une entrée remarquée. Et mémorable... Comment l'oublier, plongeant ses mains dans le feu, les yeux hallucinés ! Les choses s'accélèrent alors, Gilles, surpris dans la chambre d'Anne (de Anne ?), est condamné à mort. Hugues par jalousie défie Renaud en duel et le tue, puisque celui-ci, sur les conseils de Dominique, avait renoncé à porter une cotte de mailles. Anne, pour sauver Gilles, s'offre au visiteur, le Diable, qui le libère. Alors que Gilles, délivré, ne se rappelle de rien, Anne, la pure Anne, se dédit. Les deux amants se retrouvent malgré tout et le Diable, furieux d'avoir été berné, les punit en les pétrifiant, mais leur coeur continue de battre à l'unisson.

Une bien belle histoire d'amour. Si Dominique distille avec art le poison létal de la jalousie et ne faiblira à aucun moment, repartant avec le châtelain après la mort du chevalier, Gilles, lui, succombera à l'amour sincère et profond qu'Anne (que Anne ?) lui voue, malgré les manoeuvres désespérées et inutiles du Diable pour endiguer cet amour. Voici démontrés en deux heures, la puissance de l'amour et les méfaits de la jalousie.

Je voudrais terminer sur deux remarques. La première n'est qu'esthétique et personnelle, mais j'ai toujours trouvé Arletty en collants bien plus séduisante qu'en longue robe. Je dois être assez éloigné des canons médiévaux ! La seconde est qu'il est une réplique dès le début du film qui nous dévoile - mais trop tôt pour que l'on se rende réellement compte - les personnalités des deux envoyés du Diable, la perverse Dominique, et le fragile Gilles :

 

Dominique : À quoi bon Gilles ?...
Gilles : Ça m'amuse tout de même de faire le bien, de temps en temps...
Dominique : À quoi bon Gilles ?...
alors que Gilles venait de ressusciter l'ours du bateleur.

 

Et pour finir, un extrait du film. On y voit Alain Cuny, assisté d'Arletty, tendre les premières mailles de son piège infernal en enjôlant avec son luth les invités du festin, et notamment Marie Déa...

 

[Les Visiteurs du soir, Marcel Carné, 1942]

Commenter cet article

Q
<br /> Ca me fait penser au film que je regardais chez ma grand mère lorsque j'étais petite...sur FR3, "la dernière séance" ;-)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> La dernière séance, c'est un film ? Avec Eddy Mitchell ? ;-Þ<br /> <br /> <br />
K
Un jour peut-être le saurais-je...
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M
Qui sait ? ;-)
K
Je ne connais ce film que de nom et pourtant mes parents m'ont souvent dit qu'il était inoubliable. Les années ont passé et je ne l'ai toujours pas vu... lire ton article m'a donné envie d'aller fouiner dans la collection René Chateau !!!<br /> je reviendrai te donner mes impressions...
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Kinou, si tu savais ce que représente ce film pour moi... soupir... Il n'existe pas en dvd, mais on peut encore le trouver en k7. Et pour être inoubliable, il est... inoubliable. Je vois que tu rattrapes allègrement ton retard ;-)
M
Je m'baladais sur ton blog et suis tombée là-dessus. J'en suis toute chamboulée. J'ai découvert ce film pendant l'été 96 (moi aussi, il m'a tellement marquée que je souviens même de l'année ;-)). Je suis comme toi, je n'ai jamais osé le revoir. Il faut dire aussi que je n'en ai pas vraiment eu l'occasion. Je me souviens parfaitement du "A quoi bon, Gilles?". A l'époque, je me passais certaine scènes en boucle... Merci pour ces réminiscences !
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M
Bonsoir Morena.Je voue un véritable culte à ce film. Aussi ton témoignage me fait-il énormément plaisir. Merci d'aimer ce film qui m'est si cher ;-)
A
Pour moi ! Pour moi ! J'achète ! J'achète !
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M
http://www.fnac.com/Shelf/article.asp?PRID=1525312...Mais tu trouveras bien quelqu'un pour te l'offrir ;-)
A
Je ne connais pas cette version ( tiens, c'est bizarre d'ailleurs )mais celle de Jean Marais ( 1953 ), que j'adore. Jean Marais...lui aussi, il nous manque. Monte-Cristo, je ne t'en parle pas !
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M
Voilà la version en question... Merci, Monsieur Château !<br /> Mais 1943... Bien trop jeune pour connaître ça,  moi ;-)<br /> <br /> <br />  <br />  <br />  <br /> <br /> <br />  
A
Oui, ce qui te permettra de redécouvrir l'excellent Marcel Herrand, disparu trop tôt, inoubliable Pierre François ( Lacenaire ) dans Les Enfants du Paradis...
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M
J'imagine que cela doit être autre chose que Daniel Auteuil... ;-)<br /> Je ne garde guère de souvenir de Marcel Herrand dans les VdS... tiens, j'ai vu son nom sur le dvd de la version de 1943 du Comte de Monte-Cristo... Monte-Cristo, rien que le nom me fait rêver !
A
Enfant, j'étais pétrifiée devant ce diable que je n'avais jamais imaginé sous cette apparence trompeuse. Les dialogues de Prévert m'échappaient alors, mais le film était si magique, la musique si envoûtante que, contrairement à toi, MP, je l'ai bien revu une dizaine de fois depuis. Jules Berry, grand amateur de courses de chevaux, n'avait bien sûr plus le temps d'apprendre son texte. C'est en sachant cela que l'on prend un plaisir supplémentaire à l'entendre parler d'amour à Anne, lui disant simplement...ce qui lui passait par la tête !
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M
Tu t'appelles Anne... tu es pétrifiée... serais-tu ? Non...  ce n'est pas possible ;-)<br /> Le Diable (cf photo) à Anne :Et pourtant, si vous saviez comme je suis sensible dans le fond, la moindre des choses me touche. Quand un bonheur nouveau arrive dans le monde, quand un nouvel amour brille, vous ne vous imaginez pas ce que je souffre... J'en pleurerais, si j'avais des larmes... Mais je vous assure, si quelqu'un m'aimait, ça arrangerait bien les choses... Comme la vie deviendrait facile et belle si vous vouliez me comprendre un peu... Vraiment, ce pauvre Gilles ne peut vous offrir qu'un amour dérisoire... tandis que moi !<br />  <br /> Tu as raison, je vais peut-être le revoir...<br />