Le survivant
Que serait le cinéma sans le cinéma américain ? Et que serait le cinéma américain sans Charlton Heston, qui l'aura marqué de son empreinte indélébile ? On ne peut guère reprocher à celui qui fut Ben-Hur, Moïse ou Marc-Antoine que ses responsabilités exercées au sein de l'extrémiste NRA. Et il a joué dans des films de science-fiction majeurs, comme Soleil Vert, La Planète des Singes et Le Survivant.
Tourné en 1971, Le Survivant est tiré d'une nouvelle de Richard Matheson, Je suis une légende. Ce dernier est aussi le scénariste d'une bien terrifiante Maison des Damnés, ou des Seins de Glace (et au passage de Mireille Darc) et surtout de Quelque part dans le temps, film auquel je voue un culte sans faille, étonnant film de science-fiction romantique. Cette nouvelle avait déjà été adaptée en 64 dans L'ultimo uomo della Terra, et en 67, dans Soy legenda.
Pour ne pas déflorer le film, j'ai extrait ces images du premier quart d'heure.
Charlton Heston incarne Robert Neville qui vit seul dans un Los Angeles post-apocalyptique, dévasté par une guerre bactériologique. Chaque jour, il parcourt la ville déserte, emmagasinant des denrées indispensables, opérant un étrange et minutieux quadrillage et prenant bien soin de ne pas se laisser surprendre par le coucher du soleil, pour une obscure (si j'ose dire) raison, qui ne tardera pas à se faire jour (si j'ose également dire).
Sa solitude le force à converser avec les mannequins des magasins où il s'approvisionne en vêtements. Une relation ambiguë, risquée mais indispensable pour sa survie.
Car chez lui, il n'a pour tout compagnon qu'un buste de César, avec lequel il feint de jouer aux échecs.
Neville n'est pourtant pas seul. Il est opposé à une horde de pestiférés dirigée par le charismatique Matthias, horde qui ne sort que la nuit, redoutant la clarté du jour. La Famille semble n'avoir pour but que de détruire celui qu'elle appelle l'utilisateur de la Machine. Dans la nouvelle (que j'ai lue il y a bien longtemps, peu après avoir vu le film pour la première fois et dont je ne m'en souviens guère), les créatures auxquelles le héros était confronté étaient des vampires. Ici, les pestiférés ont une conscience et sont seulement animés par le rejet des technologies modernes qui ont conduit à la destruction du monde.
Ainsi, nuit après nuit, la maison de Neville est victime de l'attaque de ceux qui portent les stigmates d'une maladie qui les tue les uns après les autres et les empêche de supporter la lumière du jour. Écoutons Matthias :
Et puis, un jour, Neville se rendra compte qu'il existe d'autres personnes qui n'appartiennent pas à la Famille...
Evidemment, le film a un peu vieilli et la menace bactériologique propre à la guerre froide n'est plus vraiment d'actualité. Mais Le Survivant reste un excellent film, inquiétant à souhait, une réflexion sur la solitude du dernier homme, accompagnée d'une musique seventies envoûtante, avec aussi un hommage nostalgique au film Woodstock, tourné l'année précédente. Les anglophones trouveront même sur Youtube, l'intégralité du film découpé en dix séquences.
Petite question à l'attention de ceux qui auraient vu le film : savez-vous qui est Matthias ?
[Le Survivant (The Omega Man) - Boris Sagal - 1971]