Owakudani, le bout du monde
Hakone fut une étape d'un soir entre Tokyo et Kyoto, c'était ma première nuit en dehors de la capitale. La fenêtre coulissante de la chambre donnait sur le parc et l'on y voyait les poissons évoluer dans le bassin. Suprême raffinement, la baignoire était alimentée directement par des sources d'eau chaude. Un peu trop, même, je n'aurais jamais pensé qu'une source puisse être si chaude qu'il faille attendre si longtemps avant de pouvoir s'y baigner. Et le petit déjeuner fut magique avec cette vue sur les arbres s'étendant à l'infini. Enfin, l'infini... il n'était pas si loin car il flottait ce jour-là, un brouillard épais qui masquait entièrement le mont Fuji.
Du coup, je filais directement voir les vapeurs sulfureuses d'Owakudani. Mais Owakudani se mérite. Une fois le 4x4 garé à Gora, il a fallu prendre un train à crémaillère puis emprunter un téléphérique pour y arriver. C'est le royaume du soufre, il est partout, chaque rocher laisse échapper des fumerolles ! Et là, au milieu de cet enfer méphitique, on y trouve... des oeufs ! Des oeufs cuits dans les vapeurs de soufre, à la coquille noire, que l'on vient déguster de très loin car la légende prétend que celui qui en mange voit sa vie prolongée de sept ans ! Mais pour manger des oeufs, fussent-ils frais ou légendaires, dans cette odeur omniprésente d'oeufs pourris, fallait vraiment avoir envie de devenir sénile !
[Owakudani, Japon, mars 1996]