Réminiscences macanéennes
Macao... rien que le nom faisait rêver. À l'époque, la rétrocession de 99 était loin et Macao arborait encore le drapeau portugais. On y mangeait des feijoadas, on y jouait à la pelote basque au Jaï Alaï. Par curiosité plus que par intérêt, j'étais rentré voir de quoi il retournait. On pouvait parier sur les joueurs. Ces derniers semblaient plus chinois que basques et les règles étaient d'une herméticité impénétrable... que je renonçais rapidement à pénétrer. Je me rabattais sur l'Hôtel Lisboa. Ah, l'Hotel Lisboa, hôtel-casino de luxe...la seule fois de ma vie où j'ai eu peur à l'étranger ! Il faut dire que je l'avais bien cherché : je me suis assis à une table de black-jack, moi, seul occidental à cent mètres à la ronde. En plus, c'était la première fois de ma vie que je rejoignais une table...
L'énorme et vieux ventilateur
Essayait d'brasser l'air lourd d'odeur,
On aurait pu palper la peur
Dans une aussi épaisse moiteur.
La partie commence. Le black-jack, c'est facile : il faut faire le plus près possible de 21 sans dépasser, c'est Le Juste Prix, en gros. La banque joue aussi mais après vous, bonjour l'arnaque. Une croupière rétive (elle a pas voulu me redonner une carte, rien compris) ajoutée à une pression énorme (mon joueur de droite avait parié 100 HK$ sur mon jeu, qu'il a perdu aussi sec) m'ont rapidement fait quitter la table. Vivant. Quel soulagement !
Macao... un rêve ? Bon, un peu moins maintenant. D'autant plus que le centre ville de cet enfer du jeu est composé essentiellement de ruines. Je passe sur la célébrissime façade de Sao Paulo, mais tout le reste était à l'avenant : Maisons coloniales qui témoignaient d'une munificence aujourd'hui lointaine, demeures délabrées aux ornements disparus... et puis, au sein de ce petit Portugal à la dérive, des temples chinois. Comme dans les films.
Macao... alors oui, le nom faisait toujours rêver.
[Macao, mai 1987]