Babylone, c'est fini...
Ou presque. Il vous reste jusqu'à 22h demain soir pour visiter l'exposition. Bon courage ! Déjà hier, il m'a fallu plus d'une heure pour aller des audioguides à l'entrée. Un vrai parcours du combattant. Un compteur affichait chaque seconde le nombre de sardines visiteurs présents, compris entre 475 et 500, et l'on y rentrait au compte-gouttes. Trois millénaires d'histoire, ça se mérite.
La visite s'ouvrait naturellement sur le Code d'Hammourabi, autour duquel gravitaient une multitude d'abeilles humains. Un des reproches que je ferai d'ailleurs à cette exposition est d'avoir rassemblé beaucoup d'objets provenant du Louvre-même. Pour les habitués du fabuleux département Mésopotamie du musée parisien, guère de découvertes dans les premières salles - consacrées aux rois qui ont marqué Babylone, Hammourabi, donc, et Nabuchodonosor II - où l'on voyait à l'envi des tablettes que les gens semblaient déchiffrer comme s'ils lisaient le cunéiforme dans le texte.
Mais soudain, au milieu de cet univers fascinant mais bien connu, une oeuvre se détache par sa puissance : La Reine de la Nuit !
L'illustration - prise sur le remarquable mini-site du Louvre, puisque les photos sont interdites pour les expositions temporaires - ne rend compte qu'imparfaitement de la beauté de ce haut-relief en argile. Malgré ses dimensions raisonnables (moins de cinquante centimètres de haut), on est attiré par elle, comme le furent jadis les marins d'Ulysse par les sirènes. Son corps sculptural, sa position étrange, offerte, son sourire figé, tout en elle séduit et quand on s'aperçoit qu'elle a les mêmes serres que les deux laids hibous (oui, je sais, elle est nulle) qui l'accompagnent, il est déjà trop tard. On lui appartient.
S'agit-il d'Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre (les deux cohabitaient à l'époque) à qui était vouée Babylone ? Ou de sa soeur Ereshkigal, qui régnait sur les Enfers, comme peuvent le laisser croire ses ailes repliées, symbole du monde souterrain ? Ou encore de Lilitu, cette succube sumérienne qui donna vie au mythe de Lilith, la première femme d'Adam ? Personne ne sait, la belle garde jalousement son terrible secret.
Pour détendre l'atmosphère, devenue lourde, voici des photos retouchées proposées par le site du British Museum - à qui l'oeuvre appartient - qui l'imaginent restaurée et peinte selon ses couleurs reconstituées et qui lui retirent malheureusement une bonne partie de son mystère.
Un dernier mot sur cette exposition. Curieusement, c'est après le déballage de tablettes que l'exposition devient passionnante. Sous le regard inquiétant (et de travers) des dragons de la Porte d'Ishtar, des ouvrages rarissimes nous montrent la vision que les anciens avaient de Babylone. Puis le célébrissime tableau de Bruegel, La Tour de Babel, ouvre le bal d'un défilé d'oeuvres parfois délirantes mais qui traduisent toutes la munificence de la Babylone antique, dont la moindre n'est pas l'extrait d'Intolérance de Griffith. La métropole mésopotamienne prend alors vie devant nos yeux éblouis.
-> Visiter le site du Louvre consacré à l'exposition
[La Reine de la Nuit, Exposition Babylone, jusqu'au 2 juin 2008]