La permission de minuit 2
Eh oui, déjà la seconde... Peut-être vous rappelez-vous de la première ? Les conditions en sont différentes. La première fois, c'était tristesse et mélancolie. Ce soir, c'est inquiétude et délivrance. Cela peut sembler paradoxal mais sans vouloir rentrer dans des détails personnels qui n'intéresseraient que peu de monde finalement, cette délivrance que j'attendais et que j'ai fini par recevoir ne m'a pas complètement apaisé. Disons que les réponses que j'ai obtenues ont suscité des questions encore plus complexes.
Paris était bien attirant, en moto, ce soir, avec sa température d'une extrême douceur, contrairement au froid perçant qui régnait lors de la première fois. Paris by night and by bike... celui qui ne connaît pas ça, ne connaît pas Paris. Les quartiers défilent, étourdissants. Le Marais fait le plein de ses habitués, le Quartier Latin de ses touristes, le Forum de ses jeunes. La rue de Buci est à peine praticable, je serpente entre les piétons nonchalants rue Montorgueil. Ici et là, des vaches, ces fameuses vaches. Un musicien gagne sa croûte sur le Pont Saint-Louis. Ma radio le gêne... Faut dire que la musique chinoise ne s'accorde guère avec son accordéon. Je baisse le son... momentanément.
Et puis, les grands boulevards. La foule en ce lourd vendredi soir est compacte, légèrement vêtue et hésitante. Le grand Rex... je me rappelle alors... le Festival du film fantastique s'y tenait chaque année, et dans cette salle immense, avec son orchestre et ses deux balcons, son décor aux maisons hantés - du moins le croyais-je à l'époque - et son ciel étoilé, les trois mille spectateurs assistaient à la projection de films d'horreur sans sous-titres, bien souvent dans une langue inconnue (transylvanien ?). Une main tremblante glisse un crucifix dans une tombe, la foule en délire crie : A voté ! Soudain, un avion en papier déchire l'écran, envoyé depuis les derniers rangs du second balcon. Les yeux quittent le film et suivent avec attention ses circonvolutions... Une véritable escadrille fait ensuite son apparition et je sais désormais à quoi sert le programme que l'on m'a remis à l'entrée. Un tonnerre d'applaudissements salue la plus belle des prestations, tandis qu'à l'image, un monstre épouvantable fait irruption dans l'indifférence hystérique du public...
Et puis, il y a eu la nuit des Envahisseurs, celle d'Amicalement Vôtre... que de souvenirs ! Les clameurs se sont tues depuis. Inquiétude et délivrance...
[Le grand Rex, Paris, le 19 mai 2006, tard]