Le Dahlia noir, la clé ?
Résumé de l'article précédent, Le dahlia noir, l'énigme :
Le 15 janvier 1947, était découvert dans un terrain vague de Los Angeles, le cadavre nu et mutilé d'une jeune femme : son corps avait été éviscéré, nettoyé et coupé en deux au niveau de la taille. [...] Malgré les efforts répétés de la police de Los Angeles, la multitude de pistes explorées et la diversité des théories énoncées, le mystère du Dahlia noir, qui hantera les officiers de police du LAPD tout au long du vingtième siècle, restera non élucidé. À jamais ?
À jamais ? On pourrait le croire. Pourtant, en 1999, Steve Hodel, dont la carrière émérite au sein du LAPD s'est faite entièrement sous l'ombre du Dahlia noir, se voit remettre, lors du décès de son père, un album de photos sur lequel il reconnaît... le Dahlia noir ! Plus de cinquante ans après, commence une enquête improbable qui aboutira en 2003, à la parution de son livre, accusant son père George Hodel, document controversé qui marque pour certains la fin d'une fascinante énigme. Or, en ce jeudi 1er juin 2006, Steve Hodel vient à Paris pour parler de L'Affaire du Dahlia noir.
17h30
Je suis peut-être un peu en avance. Le débat n'est prévu qu'à 19h30 mais pour rien au monde, je ne raterai ça. Cette affaire m'a toujours hanté et cette fascination est due autant aux circonstances extraordinaires de ce meurtre qu'à son caractère insoluble justement. Oui, j'ai souvent pensé à Elizabeth Ann Short et le livre d'Ellroy n'avait apporté aucune réponse à mes cruelles interrogations. Celui de Steve Hodel en revanche m'avait intrigué. Attendre ainsi est excitant.
18h30
J'aurais pu arriver un peu plus tard, c'est vrai. Mais cela m'a permis d'errer dans les rayons de la librairie, c'est toujours un plaisir. En ce sous-sol de Beaubourg, le monde se presse peu, si ce n'est pour visiter les toilettes toutes proches. Bientôt, j'aurai une vision plus précise de ce mystère et à la réflexion, je ne sais si je dois espérer que Steve Hodel se montre convaincant ou non.
19h30
Je peux rentrer dans la salle de cinéma, je file au premier rang, enfin, le second, le premier, c'est pour les persona grata. Les conditions sont optimales : la salle est confortable et l'on a des écouteurs pour la traduction simultanée. Steve Hodel, la soixantaine débonnaire, l'américain type, arrive sur la scène et après une présentation rapide de son éditeur, commence sa conférence. Il compare sa démarche à l'identification des empreintes digitales. Chaque point de ressemblance n'est pas une preuve en elle-même, mais leur agrégation permet de se forger une conviction intime. Son discours sera à l'instar du livre, troublant, inquiétant et très documenté. Troublante, la personnalité de George Hodel, le père de Steve, l'est bien plus encore. D'une intelligence exceptionnelle, tour à tour taxi, journaliste et chirurgien, cet homme a fréquenté l'élite de Los Angeles. Dans sa maison construite par Frank Lloyd Wright, il recevait tous les surréalistes américains, notamment le plus français d'entre eux, Man Ray, mais également Duchamp dont le tableau Etant donnés aurait pu servir de modèle à la monstrueuse mise en scène du cadavre du Dahlia noir (ne cliquez ici que si vous avez le coeur bien accroché). Et en 1950, il quittera les Etats-Unis pour toujours. Pourtant, au fil du temps, il est difficile de se laisser convaincre par ce faisceau de présomptions, même s'il faut bien reconnaître qu'il est plus que touffu. Tout est vraisemblable, mais rien n'est indiscutable.
20h30
C'est l'heure des questions. Et le public, très connaisseur, saura poser celles qu'il fallait. N'avez-vous pas été tenté d'arrêter vos recherches au fur et à mesure que la conclusion s'imposait ? Votre enquête ne laisse-t-elle pas une petite place au doute ? Moi, j'étais un peu perdu de voir cet homme nous dire que son père est un tueur en série sans le moindre frisson, nous apprendre sa conduite incestueuse avec sa demi-soeur sans la moindre émotion et énumérer les détails sur sa vie privée comme s'il s'agissait d'un parfait inconnu. La rigueur toute policière dont il se prévalait aurait bien dû avoir ses limites, non ?
21h30
Je sors de Beaubourg, perplexe. S'il ne s'agissait que d'une manipulation ? Les photos présentes dans le fameux album, sont-elles réellement celles d'Elizabeth Short ? James Ellroy, l'auteur du roman, est, lui, convaincu. Il a déclaré, parlant de Steve Hodel : J'étais celui qui pose les questions. Il fut celui qui y répondit. J'étais le sceptique. Il fut celui qui prouva.
L'affaire du Dahlia noir n'est peut-être pas encore terminée...