Le samedi a été bien pluvieux, et le dimanche n'était guère mieux. Pas grave, puisque j'avais prévu d'aller voir Tenzin. Tenzin, c'est Tenzin Gyatso, Sa Sainteté le Dalai-Lama, quatorzième du nom, de passage à Paris, lors d'une tournée mondiale. Un Bercy quasiment complet l'attendait, tout acquis à sa cause. C'est l'apanage des causes nobles et justes. Sur la scène, deux personnes l'encadrent : Matthieu Ricard, son interprète attitré depuis vingt ans, également moine, accessoirement fils de Jean-François Revel, et Robert Badinter, avocat et homme politique, intellectuel éminent qui dressera un portrait élogieux de celui qu'il considère comme marqué du sceau de l'exception.
De l'humanité, le Dalai-Lama a fait son horizon [...] loin de son peuple et de sa terre natale.
Le Dalai-Lama a en effet, quitté le Tibet en mars 1959 pour Dharamsala en Inde. Parlant du messager de la paix universelle, qui a obtenu le Prix Nobel de la Paix, il y a vingt ans, Robert Badinter rappelle que le pouvoir chinois le voit comme un loup caché sous sa robe de moine. Mais si l'on voit les plis de la robe, nous ne distinguons pas les traits du loup, et à dire vrai, rajoute Maître Badinter, à dire vrai, les dirigeants chinois nous paraissent bien peu qualifiés pour jouer le rôle du petit Chaperon Rouge.
Une fois seul sur scène, Tenzin s'assied en tailleur et met sa visière assortie avant de tenir sa conférence en anglais mâtiné d'un peu de tibétain, que Matthieu Ricard traduit l'un comme l'autre, a posteriori. Le thème du jour était Ethique et Société et je ne sais pas s'il y a un rapport direct, mais j'ai un peu piqué du nez. Cela dit, le thème n'est pas forcément en cause, il m'est arrivé de le faire pendant l'attaque des hélicoptères d'Apocalypse Now. En gros, il était surtout question de compassion, de colère constructive ou destructive, de désir positif ou négatif, de compassion, de beauté intérieure, d'éthique et de... euh... compassion.
Real beauty is inner beauty...
...affirme Tenzin. Et de nous raconter l'histoire de cet ancien disciple qui avait rompu ses voeux pour une femme. En voyant celle-ci, fort quelconque, il s'était étonné que l'on puisse renoncer ainsi à une vie de méditation, de contemplation et de satisfaction pour une telle femme. Et l'ex-moine de lui rétorquer que sa vraie beauté était intérieure. Ce à quoi Tenzin a avoué n'avoir plus su quoi répondre.
L'humour n'est donc pas sa moindre qualité. On peut y rajouter la simplicité, ainsi que son charisme, qui rend cet homme réellement exceptionnel. Je ne connais pas les critères de choix des tibétains pour la réincarnation du Dalai-Lama, mais là, ils ont eu le nez creux, puisque le remplaçant de Thubten Gyatso, treizième du nom, n'avait pas trois ans quand il a été choisi. C'est sûr que des années d'études forgent un caractère, mais il avouera lui-même qu'à six ans, ses études étaient moins motivées par sa vocation que par le martinet de ses professeurs.
Cela paraît toujours un peu ridicule d'approcher une personne connue comme s'il s'agissait d'un cadeau. Mais dans son cas, c'est bel et bien un cadeau, un plaisir et un honneur. Et c'est surtout une chance.
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Le Dalai-Lama parle de Robert Badinter |
L'ovation finale réservée au Dalai-Lama
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Je m'étais contenté d'un vieil apn, ce qui explique la qualité médiocre de mes photos (bien que je ne sois pas sûr d'avoir pu faire mieux avec mon reflex). Ce qui explique aussi que j'ai pu prendre quelques vidéos, médiocres aussi. On n'y entend pas grand chose et n'en voit guère plus. Vous pouvez retrouver la vidéo intégrale de la conférence sur le site officiel. Je ne saurais que trop vous conseiller de l'écouter, la qualité en est optimale et le verbe toujours intéressant, y compris le portrait dressé par Robert Badinter (au tout début).
[Conférence du Dalai-Lama, 07 juin 2009, Paris]