Les Ménines de Manolo Valdés
Elle est toute petite ; une duègne la garde.
Elle tient à la main une rose et regarde.
Quoi ? que regarde-t-elle ? Elle ne sait pas. L'eau ;
Un bassin qu'assombrit le pin et le bouleau ;
Ce qu'elle a devant elle ; un cygne aux ailes blanches,
Le bercement des flots sous la chanson des branches,
Et le profond jardin rayonnant et fleuri.
Tout ce bel ange a l'air dans la neige pétri.
[Victor Hugo, La rose de l'infante, 23 mai 1859]
La première fois que j'ai vu les oeuvres de Manolo Valdés, c'était lors de son exposition à Bilbao, au Musée Guggenheim, il y a quatre ans. Déjà frappé par l'impressionnant chien végétal de Koons à l'entrée, j'éprouvai à voir les sculptures de Valdés, le second choc de cette journée : une bibliothèque entière, débordant de livres et de documents, toute en bois, une oeuvre étourdissante, irréelle. Le bois, matériau riche mais pourtant délaissé, reprenait avec lui une noblesse qu'on lui avait oublié.
| Aussi, quand les Ménines furent annoncées à Paris, je me suis précipité. Je me suis même tellement précipité que je me suis cassé le nez car elles ont eu un peu de retard. Un jour, elles furent bien là, dans ces jardins du Palais-Royal. Et le choc fut aussi grand qu'en 2002. Il faut reconnaître que le Palais-Royal est un terrain de choix pour l'exposition de sculptures modernes et imposantes, mais que si la curiosité est souvent au rendez-vous, l'intérêt ne l'est pas toujours autant. Inspirées des tableaux de Velasquez, ses Marianas et Meninas apportent une troisième dimension à des oeuvres anciennes déjà fortes. Bien sûr, avec Valdés, tout était là : curiosité et intérêt, mais aussi respect, fascination et attirance. Capable de travailler tous les matériaux, il nous offrait là des oeuvres magistrales et majestueuses. On ne savait s'il fallait garder distance, pour saisir dans sa globalité, la majesté de l'ensemble ou bien s'en rapprocher, pour les effleurer et sentir leur puissance. |
Manolo Valdés, peintre, sculpteur, est né en 1942 à Valence et vit désormais à New-York.
[Les Ménines de Manolo Valdés, jardin du Palais-Royal, juin 2005]