Chelsea Hotel, 222 W. 23rd St.
S'il est une ville au monde où l'on peut se promener pendant des jours, c'est bien New York. J'avoue avoir cette passion, d'arpenter les villes en marchant du matin au soir, sans trêve et Manhattan a su combler toutes mes espérances.
Lors de mon quatrième séjour, en 97, délivré de ces visites obligatoires que l'on se doit de faire aux endroits incontournables de la métropole (et qu'ils sont nombreux !), je flânais à la recherche du mythique Hôtel Chelsea, dans le quartier éponyme...
Il fut construit en 1884 et restera jusqu'en 1902, le plus haut immeuble de New York, avec ses douze étages. Il ne deviendra un hôtel qu'en 1905, mais constituera alors le point de passage de tout ce que la ville compte d'intellectuels, d'écrivains ou d'artistes. En consultant la liste (que je vous épargnerai) des personnalités qui y ont séjourné, on ne peut qu'avoir le vertige. On y retrouve (oui, je sais, mais je serai bref) pêle-mêle des gens bien de chez nous, comme Sarah Bernhardt ou Edith Piaf, mais aussi Hendrix, Oppenheimer, Nabokov ou la trop belle Lily Langtry, et même un authentique descendant de Dracula.
Mythique, il l'est assurément, l'Hôtel Chelsea. Kubrick y passera régulièrement pour écrire 2001, l'odyssée de l'espace avec Arthur C.Clarke en 68. Trois ans plus tard, Jane Fonda et Donald Sutherland, alors voisins, joueront dans Klute de Pakula et il verra même, en octobre 78, la fin des Sex Pistols avec l'assassinat de Nancy Spungen dans la chambre de Sid Vicious qui la rejoindra quelques temps après, victime d'une overdose.
Mais il existe une autre approche moins directe, plus musicale...
En 1966, Andy Warhol, avec Paul Morrissey, consacre un film, Chelsea Girls, aux personnes qui l'entourent à la Factory et dont beaucoup résident à l'Hôtel Chelsea. On y voit ses égéries de l'époque, la magnifique Edie Sedgwick (qui sera retirée du film, après sa brouille avec Andy) et Nico, ainsi - entre autres - que le petit Ari, qu'elle prétend avoir eu avec Alain Delon. La musique est bien évidemment l'oeuvre de Velvet Underground et la chanson Chelsea Girl est interprétée par Nico elle-même. Une description de l'hôtel qui doit assez fidèlement correspondre à l'atmosphère glauque qui y régnait...
L'année suivante, Leonard Cohen immortalisera dans Chelsea Hotel #2, son aventure avec Janis Joplin. Une aventure que les deux n'ont pas réellement cherché mais qui s'imposera à eux. Bien, peu importe, nous ne sommes pas beaux, mais nous avons la musique...
I remember you well in the Chelsea Hotel
you were famous, your heart was a legend.
You told me again you preferred handsome men
but for me you would make an exception.
And clenching your fist for the ones like us
who are oppressed by the figures of beauty,
you fixed yourself, you said, "Well never mind,
we are ugly but we have the music."
En 2002, Jeffrey Lewis, en composant The Chelsea oral sex song, rendra un hommage émouvant au chanteur canadien, l'histoire (authentique ?) d'une rencontre intense d'un soir, dont le point de départ est la fellation seulement suggérée dans les paroles de Leonard Cohen : giving me head on the unmade bed...
Une chanson (sur)prenante.
Et puis, the last but not the least, Bob Dylan, qui y fera à la fois un enfant et une chanson, Sad-eyed lady of the Lowlands pour sa femme. Il l'évoque dans la magnifique chanson d'amour, Sara, qu'il lui consacrera.
I can still hear the sounds of those Methodist bells,
I'd taken the cure and had just gotten through,
Stayin' up for days in the Chelsea Hotel,
Writin' "Sad-eyed lady of the Lowlands" for you.
[Hotel Chelsea, 222 West 23rd Street, New York, août 1997]