Monumenta !
Derniers jours le week-end dernier pour Monumenta, l'exposition des oeuvres d'Anselm Kiefer au Grand Palais [NDMP : Alix, je suis sincèrement désolé]. Le nom en est bien trouvé, les oeuvres présentées sont... monumentales. C'est d'ailleurs ce qui en fait le principal intérêt, tant les symboles mis en scène ou les associations réalisées ne sont pas toujours très accessibles.
Difficile de la prendre en photo, cette chute d'étoiles. Faut dire, elle fait trente-cinq mètres de long ! Aussi l'affiche de l'expo est-elle la bienvenue pour pallier mes déficiences. Outre le Vaisseau du soleil, autre oeuvre bétonnée et imposante, le reste de l'exposition se compose de six maisons, présentant chacune un thème lié à la Terre, à l'espace ou au temps.
Les audioguides sont longs, très longs. Et les oeuvres sont immenses. Alors les gens prennent leur temps. Le temps semble figé, les mouvements imperceptibles. Communion forcée des spectateurs avec l'oeuvre présentée et convergence des regards. Le but de l'artiste est atteint (comme la tarte ?).
Les références sont nombreuses dans ses oeuvres. La maison n°1, Nebelland (le pays des nuages) n'y fait pas exception. Et l'audioguide, bien que très complet, ne remplace pas chez l'enfant, la présence rassurante de sa mère. Mélange de la poésie d'Ingeborg Bachmann :
Nebelland hab ich gesehen,
Nebelherz hab ich gegessen.
(j'ai vu le pays du brouillard, j'ai mangé le coeur du brouillard)
et des rites sacrificiels d'une pyramide aztèque... Le corps de l'artiste est offert, ainsi que son coeur, en pâture au spectateur.
Les associations sont parfois inattendues. Ici, dans la maison n° 2, Geheimnis der Farne (secret des fougères) en hommage au poème éponyme de Paul Celan, ce mur de fougères répond à deux blockhaus. La raison en est à la fois simple et surprenante. Les deux provoquent invincibilité et invisibilité. En effet, les graines de fougères possèderaient ces vertus secrétes, certains soirs d'été...
Et l'on va de maison en maison, comme le Petit Prince de planète en planète.
La maison n°5, Sternenfall / Shevirath ha Kelim (le bris des vases) est ma préférée. Cette fascination qu'exerce les livres sur Anselm Kiefer est formidablement mise en valeur par cette impressionnante bibliothèque de sept mètres de haut, aux dizaines de livres de plomb, trônant parmi les bris de verres. Je vous livre l'explication de l'artiste :
À l'origine du monde, Dieu ou lumière supérieure se rétracte au lieu de se répandre. Pour laisser place à la création, l'infini doit se contracter lui-même. Le vide laissé par ce retrait permet à la masse de se constituer, d'où naissent les quatre mondes : l'émanation, la création, la formation, l'action. Un rayon de lumière pénètre cet espace et son énergie forme les séfiroths (vases). Nées de la lumière, ces séfiroths sont destinées à la recevoir et à la servir. Mais elles ne peuvent la supporter tant son intensité est forte et se brisent.
Pour prolonger cette visite, je vous propose deux articles complémentaires, celui de Vy qui restitue à merveille le côté monumental de cette exposition, et celui de Quichottine, variation sur un thème plus que libre.
[Monumenta, du 29 mai au 8 juillet 2007, Grand Palais, Paris]