(Suite de l'épisode précédent)
Après quelques kilomètres, le 4x4 entre enfin dans Lhassa. Mon entrée n'a rien en commun avec celle d'Alexandra David-Néel. Point de subterfuge, de déguisement, de privations. Juste un trafic important et un mal de crâne incessant.
Ma première vision intégrale de l'édifice est celle-ci. Le mont éponyme et le palais sont tibétains, le reste est désormais chinois. Le ciel est gris, l'atmosphère pesante. Je contemple le palais, abasourdi par tant de majesté. Le guide se retourne pour me l'indiquer, mais s'interrompt devant mon regard fixe. Je ne vois que lui. Le palais, pas le guide.
J'avais connu l'existence du Potala, vingt cinq ans plus tôt, en jouant à The Serpent's Star, sur Apple II. C'était un de ces jeux graphiques qui faisaient fureur à l'époque et qui n'amuserait personne aujourd'hui : rigueur implacable, graphismes consternants, maîtrise de l'anglais indispensable. Toujours est-il qu'au cours de l'aventure, on découvrait un palais merveilleux. Quand j'ai su qu'il existait réellement, le voir devint un rêve. Quand j'ai su que c'était le palais des dalai-lamas, la cause était entendue, je le verrai un jour.
L'hôtel n'est guère éloigné du Potala. Je ne saurais dire combien de fois j'ai parcouru le chemin qui les reliait, à pied, en rickshaw ou en taxi. À toute heure du jour ou de la soirée, j'allais le voir. Et à n'importe quelle heure, il y avait ses pélerins qui tournaient, tournaient, tout autour, inlassablement, dans le sens des aiguilles d'une montre...
Cette vue est une de mes préférées. La végétation masque les attributs chinois omniprésents qui dénaturent la capitale tibétaine et je ne vois, depuis ce point de vue, que des arbres, et le Potala.
Un autre regard sur le palais me sera apporté lors de la visite du Jokhang. La terrasse, surplombant les ruelles du Barkhor, offre une vue imprenable (sauf en photo) sur le Potala. Il se détache, impérial, colossal, un mastodonte de pierre, invaincu mais fatigué, devant un paysage tibétain intact fait de ces montagnes arides qu'empruntent les yacks. Comment un pareil bâtiment a-t-il pu si longtemps n'être la demeure que d'un seul homme ?
Quand je prends cette photo, je ne l'ai pas encore visité. Mon impatience n'est pas difficile à deviner, et si le Jokhang a nombre charmes insoupçonnés, j'ai du mal à détacher mes regards de la silhouette massive du Potala.
À suivre...
[Potala, Lhassa, Tibet, mai 2007]