À la découverte du Potala : en travaux
(suite de l'épisode précédent)
La deyangshar désigne, dans les monastères tibétains, la cour intérieure servant pour les cérémonies. Quand mon escalade prend fin, je parviens à celle du Potala, satisfait de l'effort accompli. Son revêtement est alors en réfection, sous le regard fasciné du groupe de chinois qui me précédait.
Mais quel était donc ce spectacle qui les attire autant ? Je ne vois qu'un groupe d'ouvriers, se protégeant tant bien que mal de la poussière qui se dégage du chantier. Mais curieusement, la grande majorité d'entre eux étaient des femmes.
Peut-être celle-ci est-elle tibétaine, ayant renoncé à ses études pour nourrir sa famille ?
Ou celle-ci, qui sait, est-elle chinoise, venue, depuis une province éloignée, chercher fortune à Lhassa et contrainte d'exercer un métier difficile et épuisant, loin de ce qu'on lui avait fait miroiter ?
Mais l'intérêt du spectacle réside dans la manière de procéder au damage. Les ouvrières (je laisse le féminin, devant le nombre ridicule d'hommes présents) se présentent par rangées et tour à tour, ces rangées avancent en martelant le sol. S'élève alors de leurs rangs, une sorte de mélopée, continue, mélancolique et troublante, un véritable hymne au désespoir. Quand une rangée a terminé, la suivante démarre, entonnant la même complainte, répétant les mêmes gestes.
Et quand toutes les rangées ont parcouru la surface à aplanir, tout ce monde se retourne alors et reproduit le même mode opératoire. Je ne désespère pas de vous montrer cette scène étonnante, le jour où je saurai comment transférer mes vidéos (oui, oui, j'en ai pris aussi) sur un micro.
Si fatigue et poussière sont omniprésentes, l'ardeur du travail n'empêche pas la coquetterie, comme en témoigne ce masque Doraemon.
Les conditions de travail de ces femmes sont pénibles et une telle exploitation du travail féminin est intolérable. Sans doute, y trouvent-elles un maigre compte. Petite lueur d'espoir dans cette vision pessimiste du Tibet chinois, c'est le message subliminal que semble me délivrer cette femme...
Il est temps de quitter la deyangshar afin de pénétrer dans le palais blanc. Quelques marches encore à monter.
[Potala, Lhassa, Tibet, mai 2007]