(suite de l'épisode précédent)
En des temps immémoriaux, il était une fois un souverain solitaire, le roi de Tubo, Songtsen Gambo. Son royaume prospérait mais il se sentait bien seul dans sa capitale, Loso, et contemplait en soupirant les cîmes neigeuses qui l'entouraient...
Ben quoi, 640 après JC, c'est immémorial, non ? Lhassa s'appelait encore Loso, et le Tubo ne deviendra le Tibet que plus tard. Difficile de faire plus immémorial... Je reprends mon récit.
Un jour, il ouit dire qu'une princesse de la dynastie Tang et d'une grande beauté cherchait un prétendant. Il diligenta par delà les montagnes son ministre, le lettré Lu Dongzan, pour être le messager de son coeur. Mais la princesse Wencheng possédait de nombreux charmes et des talents multiples. Aussi était-elle très courtisée. L'ingénieux empereur Taizong proposa des énigmes aux divers prétendants.
Puccini n'a rien inventé... mais chut...
Le malicieux Lu Dongzan sut toutes les déjouer. Pour distinguer la racine de la cîme dans ces troncs d'arbre cylindriques, il pensa à les faire flotter dans l'eau, la racine étant plus lourde. Pour passer un fil dans le trou en zigzag de ce morceau de jade, il eut l'ingéniosité de mettre du miel à une extrémité et à l'autre, une fourmi ceinte d'un fil. Et quand il s'est agi d'apparier ces cent poulains à leur mère, parmi cent juments, il les enferma séparément durant toute une nuit. Au petit matin, il fit sortir les juments une par une. Chaque poulain se manifesta alors pour têter sa maman.
Il est trop fort. C'est un véritable prince, ce Lu. Je me tais...
Le diabolique Taizong avait plus d'un tour dans son sac. La dernière épreuve à laquelle il soumit le rusé Lu Dongzan était redoutable. Cinq cents jeunes filles voilées se présentèrent devant lui, parmi lesquelles il devait reconnaître la belle princesse, qu'il n'avait d'ailleurs jamais vue. Une fois encore, ses amis butineuses lui rendirent un fier service en reconnaissant le capiteux parfum de la princesse. Et c'est ainsi que le fier empereur accorda la main de la convoitée princesse au puissant Songtsen Gambo, car celui qui employait des hommes aussi méritants que l'infaillible Lu Dongzan ne pouvait être qu'un homme sage...
La troublante Wencheng (à droite sur la photo) devint donc l'épouse du munificent Songtsen Gambo, roi de Tubo (au centre), aux côtés de Bhrikuti, sa délicate femme népalaise (à gauche). Il construisit en honneur de la ravissante chinoise, un fabuleux palais de mille pièces. Le Potala était né.
Par ses mariages, Songtsen Gambo vécut très heureux, certainement, mais surtout donna quasiment au Tibet ses frontières actuelles, élaborant avec le Népal et la Chine des relations pacifiques durables. Quand je vous disais que c'était immémorial...
Au passage,un zeugme s'est glissé au sein de ce texte dans lequel, si les événements, compte tenu de la rareté des documents à l'époque, ont pu être interprétés, les personnages quant à eux sont bien réels. Saurez-vous le retrouver ?
Une dernière chose, je me suis inspiré, pour le récit narratif, d'un texte dont je ne peux citer la source, vu qu'on le retrouve sur plusieurs sites. La photo est, quant à elle, extraite de Wikipedia. Et les costumes sont de... euh... non, ils ne sont pas de lui.
À suivre...
[Potala, Lhassa, Tibet, mai 2007]