Alice au Pays des Merveilles
En guise de lemme, je rappellerai que Charles Lutwige Dodgson était mathématicien (logicien ,en fait) et photographe et que je voue à l'une comme à l'autre discipline une passion indéfectible. L'univers (il)logique de Lewis Carrol m'a toujours fasciné, et sa Logique sans peine (photo) a longtemps été mon livre de chevet.
Mais il n'a pas écrit que des traités mathématiques de logique, même si Alice au Pays des merveilles, qui n'était au départ qu'un conte pour les filles Liddell, n'en est guère éloigné. Alice, tout le monde la connaît, elle a accompagné chacun d'entre nous pendant une période de sa vie. Comment oublier les illustrations originales (et terrifiantes) de Tenniel ou l'extraordinaire dessin animé de Walt Disney en 1951 ?
Et ces mêmes studios Disney remettent le couvert en 2009, cette fois-ci pour un ambitieux long métrage, en choisissant certainement le réalisateur le plus indiqué pour mener à bien un tel projet, l'extravagant Tim Burton.
Les atouts du film sont nombreux. Johnny Depp en premier lieu, acteur fétiche de Burton, y campe le Chapelier Fou. Helena Bonham-Carter, actrice fétiche de Burton (et pour cause) y interprète quant à elle l'irascible Reine Rouge (photo). Et cerise sur le gâteau, le film est gratifié d'une 3D qui magnifie encore davantage les décors. Alors, chef d'oeuvre ou pas chef d'oeuvre ?
Sur le plan visuel, ce film est un pur régal. Les décors (Roger Harth ?) sont somptueux et les costumes (Donald Cardwell ?) époustouflants. J'ai particulièrement aimé la façon dont ceux-ci accompagnent les transformations d'Alice (je me suis toujours demandé à quoi ressemblait le docteur Banner après une de ses crises, avec un pantalon trop grand et tout déchiré). La 3D ajoute un charme indéfinissable que l'on retrouvait aussi dans Avatar. J'attends avec impatience Le Choc des Titans (mais pas seulement pour ça) pour voir si ça vient vraiment de la 3D.
Pour les acteurs, ça se gâte un peu. On attendait un Chapelier complètement toqué et l'on reste sur sa faim, Johnny Depp étant - hélas - plus proche d'un amoureux transi de Peynet que du fabuleux Jack Sparrow de Pirates des Caraïbes. Helena Bonham-Carter tire son épingle du jeu, notamment à cause de sa grosse tête mais c'est finalement Alice (Mia Wasikowska) qui s'en sort le mieux en surprenant agréablement. Les personnages secondaires (Lièvre de Mars, Loir, Chat de Cheshire) sont cependant bien réalisés.
Quant à l'histoire, on est bien loin du conte de Lewis Carroll ! Burton en a fait, contre toute attente, un récit plutôt simple, légèrement soporifique (surtout pour moi, qui ai des prédispositions naturelles), avec cependant des trouvailles intéressantes, comme le fait qu'Alice semble attendue quand elle visite le Pays des Merveilles, mais aussi plus discutables : la Reine de Coeur est remplacée par la Reine Rouge et la Reine Blanche (Anne Hathaway). À se demander si Burton a déjà vu un jeu de cartes. Et la scène (mythique) du goûter n'est qu'une pâle imitation (bien que les images soient exceptionnelles) de celle du dessin animé. Où est passé le génie délirant de l'oeuvre originale ? Où est aussi passé, pourrait-on se demander, celui de Tim Burton ?
[Alice au pays des Merveilles, Tim Burton, sortie le 24 mars 2010]