Avatar
Quand on voue une passion sincère et véritable au cinéma, quel qu'il soit, comment ne pas aller voir Avatar la semaine de sa sortie ? Le choix de la salle n'est pas innocent puisqu'UGC ne le propose pas en 3D. Direction le MK2 de Bibliothèque qui a mis le paquet pour la circonstance en offrant trois de ses grandes salles au film de Cameron. Malgré ce dispositif titanesque, toutes les séances sont complètes en ce samedi après-midi. J'ai craint un instant de ne pouvoir être au premier rang, mais fort heureusement, il était presque inoccupé quand je suis entré dans la salle. Après, qu'elle soit pleine derrière moi, quelle importance ?
Le film présente un défaut majeur que je préfère évacuer d'entrée pour me consacrer à l'immense claque que l'on reçoit. C'est la faiblesse du scénario. Il est presque consternant. Le héros doit choisir entre d'un côté, de gentils scientifiques et une peuplade pacifique et inoffensive, et de l'autre, de méchants militaires et des financiers sans scrupules. Le message écologique censé être diffusé a beau être sympathique, tout ceci est quand même d'un manichéisme primaire assez désolant et finalement, dessert la cause qu'il croit défendre. Oublions donc une fois pour toutes cette histoire insipide et partons faire un tour sur Pandora !
Parce que nous y attend un voyage exceptionnel. Je ne sais pas ce que donne le film sans la 3D, mais avec, je dois dire que jamais je n'ai pris une telle claque au cinéma. On est à mille lieues du Crime était presque parfait, les sous-titres semblaient flotter sur l'écran. Les paysages créés sont si réalistes qu'à l'instar du héros, qui, à force de les alterner, ne sait plus dans quel monde il se trouve, le spectateur (enfin, au moins moi) oublie son univers pour plonger totalement et sans réserve dans celui de Pandora. La civilisation des Na'vis est faite d'harmonie, de paix et de communion avec la nature. Leurs cérémonies sont un enchantement et il est difficile de dire ce qui de leur faune ou de leur flore est le plus surprenant. Le voyage dure quand même 2h40 mais il est si immersif qu'on ne les voit pas passer, et en sortant de la salle, on est bien étonné de se retrouver dans la neige, tant on a perdu tous ses repères.
La plupart des superlatifs peuvent s'appliquer à ce film. Cela fait plus de quinze ans que Cameron pense à ce film, irréalisable à l'époque et c'est actuellement le film le plus cher jamais produit. Mais quel résultat, et que de références ! Difficile de ne pas penser aux créatures de La Planète Sauvage de Topor ou à la poésie du même Cameron dans ce qui doit être son meilleur film, Abyss. Cet hymne à l'écologie est proche aussi du cercle de la vie, du Roi Lion. Tout ça pourrait laisser penser que l'univers décrit dans Avatar évoquerait plus l'animation que le cinéma. En fait, c'est tellement plus que les deux réunis, on est réellement sur Pandora.
Et puis, au delà du conflit rebattu entre le pouvoir économique et les peuplades prétendument primitives, destiné à donner mauvaise conscience aux américains après leur acharnement sur les tribus indiennes, il y a quand même dans ce film, deux sacrés trouvailles. D'abord, l'alternance des situations pour le héros qui ne peut être en même temps avec les humains et avec les Na'vis, ce qui maintient une tension permanente, et surtout une histoire d'amour touchante entre Neytiri, la Na'vi, et Jake Scully, l'ex-Marine. D'un autre côté, pour un Marine, c'est normal d'entrer dans la... (oui, j'ai osé) bref, glissons...
Redevenons sérieux quelques minutes. Avatar est un monstrueux exploit technologique, avec une mention amusante pour l'avatar de Sigourney Weaver qui évoque irrésistiblement l'actrice, malgré les dreadlocks. Cela ouvre à un art cinématographique en constante évolution, des perspectives insensées. Comme disait un ancien président de la République mis en examen, nous sommes au début du chemin, mais nous sommes sur le bon chemin.
[Avatar, James Cameron, sortie le 16 décembre 2009]