(suite de l'épisode précédent)
Le ballon va bientôt toucher le sol. Il existe un moyen simplissime de s'en rendre compte. Les paysages lointains ne sont plus vus de dessus, mais presque sous un angle normal. Ainsi ne distingue-t-on plus l'architecture du somptueux temple de Medinet-Habou, mais seulement le portique d'entrée. Les brins d'herbe deviennent visibles, phénomène familier de ceux qui ont déjà sauté en parachute.
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie,
Je contemple ses biens, dont je n'ai pas joui.
Lamartine et moi, c'est une longue histoire, faite de respect et de fascination, mais, il faut bien l'admettre, à sens unique. En plus, moi, j'en ai joui, de ces cieux matinaux qui m'ont offert tant de merveilles. Cependant, le vol se termine, et c'est très bien comme ça. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
L'atterrissage est finalement assez confortable. Le ballon se pose doucement sur le sol, comme une caresse. Pour une raison qui m'est inconnue, il faut que la nacelle soit correctement disposée sur le sol. Le capitaine doit donc relever un peu le ballon, pendant que le personnel le fait pivoter (le ballon, pas le capitaine). Et pour cette manoeuvre, plutôt que de remettre les gaz, il a demandé aux plus souples de sauter hors de la nacelle. On trouve son lest où on peut.
Vivant ! Je suis vivant ! m'écrié-je alors que d'autres ballons à leur tour, vont se poser.
Un détail que l'on ne verra pas sur mes photos : une horde de gamins s'est précipitée sur les passagers, en criant Bakchich ! Bakchich ! ou en réclamant le tee-shirt donné par l'organisateur du vol (en même temps qu'un diplôme, que, curieusement, aucun gamin ne réclama).
Que d'émotions ! Dans le minibus qui ramène l'équipage et les touristes à la felouque, et qui me déposerait aux colosses de Memnon (puisque ma journée ne fait que commencer), je revis ces deux dernières heures qui m'ont procuré tant de moments magiques, passés entre terre et ciel.
03h30 Réveil (sans réveil)
04h05 Attente à la réception du Winter Palace
04h45 Traversée nocturne du Nil
05h30 Décollage
05h55 Lever du soleil
06h10 Atterrissage
Il est 6h35. Le jour vient à peine (contrairement à moi) de se lever sur la vallée thébaine et dans quelques minutes, je repartirai vers de nouvelles splendeurs, dont Medinet-Habou ne sera pas la moindre. Et je serai de retour quatre heures plus tard au Winter Palace, plus de six heures après en être parti, pour déguster un petit déjeuner copieux et bien mérité.
[Louxor en ballon, Egypte, septembre 2008]