Merci mon Chat
Je me rappelle la première fois que je t'ai vu, jouant avec ta boulette de papier, dans le bureau de cette collègue que je ne remercierai jamais assez. Elle (la boulette, pas la collègue) était aussi grosse que toi, tu avais deux mois.
Je me rappelle la première fois que tu es allé à la campagne, quelques mois plus tard, quand cette guêpe que tu ne craignais pas assez, t'avait piqué. Ta patte avait doublé de volume, tu n'étais plus très fier.
Je me rappelle la première fois où j'ai cru t'avoir perdu. Tu avais disparu juste avant un départ à Marseille. Je t'avais cherché partout, fait plusieurs fois le tour du quartier, commencé même à écrire une annonce. Je n'ai pas pu voir Marseille, mais je t'ai vu, penché depuis la terrasse du voisin, regardant dans la rue, et c'était bien là le plus important.
Je me rappelle ce mois de juillet maudit où ton insuffisance rénale t'a emporté. Je me rappelle cette condamnation insupportable du vétérinaire, le fol espoir de te sauver, la vanité de ces jours de perfusion qui nous ont séparés. Je me rappelle cette nuit abominable où ta maîtresse t'a veillé chaque seconde et où je n'ai pas eu cette force. Nous avions décidé que ce serait la dernière. Nous l'avons fait pour toi et dans ma vie, je n'ai jamais eu de décision aussi terrible à prendre. Je me rappelle ton départ le lendemain, là même où tu as toujours vécu. Je me rappelle cette minute où mon coeur a explosé.
Aujourd'hui, la plaie s'est refermée, même si la douleur n'est jamais bien loin. Mais plus que cette douleur, c'est toi qui es en moi. Tu le seras toujours jusqu'à la fin de mes jours. Quand je repense à tous les moments que nous avons vécus ensemble, tes quarts d'heure de folie et mes fous-rires, je souris. Je souris, et je pleure.
Merci, mon chat, pour cet amour que tu m'as donné aveuglément pendant quatorze ans et que j'ai tenté de te rendre au mieux. Merci d'avoir été là pour moi. Merci, mon Bubulle, de tout ce que tu m'as apporté.
[Bubulle, à quelques mois, été 94]