Au XVIIe siècle, l'empereur moghol (le Shah Jahan du Taj Mahal) décide de quitter Agra, alors capitale de l'empire, pour s'installer à Shahjahanabad, l'actuelle Old Delhi. Il y fait ériger Jama Masjid, la plus grande mosquée d'Inde et Lal Qila (लाल क़िला), le fort rouge, ainsi nommé à cause de la couleur du grès qui a servi à le construire. Et c'est à ce moment précis que je réalise que je n'ai pas de photo de ses murailles, pourtant si particulières. Sans doute, écrasé par la masse imposante de ces remparts, n'ai-je pas eu le réflexe de prendre le mien, ou plus certainement, incapable de rendre en photo la majesté naturelle de la forteresse, ai-je renoncé à en prendre ? Faut dire, deux kilomètres de remparts rouges de 20 à 30 mètres de haut, ça en jette. Quoi qu'il en soit, on peut en avoir une idée sur la photo prise depuis la mosquée.
Après avoir franchi la porte Ouest, dite de Lahore, ouvrant sur Chandni Chowk, l'artère la plus animée d'Old Delhi, le visiteur (et moi aussi, par la même occasion) pénètre dans Chatta Chowk, passage voûté rempli de magasins de souvenirs et d'artisanat.
Une fois le Naqqar Khana (maison du tambour, que l'on ne verra pas) franchi, nous voilà en face du Diwan-i-Am. Egalement en grès rouge, ce bâtiment ouvert servait aux audiences publiques. Chaque jour, Shah Jahan y recevait, tel Salomon sur un trône de marbre, les doléances de ses sujets ou les hommages de dignitaires étrangers, d'où peut-être l'affluence qui y régnait ce jour-là.
Un autre jardin et quelques édifices en marbre, le long de la rivière Yamuna. Le premier, plus au sud, est le Rang Mahal (Palais des couleurs), constitué des appartements des femmes et des maitresses de l'empereur. Ce qui doit expliquer pourquoi c'est une femme qui balaie... non ?
Plus au nord, le Khas Mahal (Palais de... euh... je sais pas, fromage ?) abritait quant à lui les appartements de l'empereur, sous bonne garde. Je n'ai d'ailleurs pas arrêté de me demander tout au long de ses visites de palais moghols, comme on pouvait appeler appartements des bâtiments aussi ouverts, sans mur ni porte. Sans doute, y avait-il des rideaux ?
Là, nous sommes dans le Diwan-i-Khas, le hall des audiences privées (de visiteurs ?). L'empereur y complotait avec ses conseillers, loin des oreilles indiscrètes (ben oui, pas de murs, pas d'oreilles). Le trône prestigieux sur lequel il siégeait, dit du Paon, a depuis été enlevé par les Perses au XVIIIe siècle.
De l'eau coulait le long de ces édifices, le Nahr-i-Behisht (ruisseau de paradis), alimenté par la Yamuna, et remplissait leurs bassins. Aujourd'hui, ce canal reste stérile. Quel dommage !
Deux autres édifices en marbre (que l'on ne verra pas non plus), la mosquée de la Perle, Moti Masjid, et les hammams impériaux, précèdent le Hayat Bakhsh Bagh, le jardin qui donne la vie, dans lequel on pourrait rester des heures, loin de la fureur (et des klaxons) de Delhi, inondé par un soleil généreux et sans partage.
Au fond à droite, le Shah Burj, toujours en marbre. Plus à gauche, caché par l'arbre, le Sawan. Complètement à gauche, en grès rouge, le Zafar Mahal (à ne pas confondre avec le Zavafer Mahal... je sors ?), sorte de réservoir beaucoup plus récent. On aperçoit, derrière, les bâtiments administratifs construits par les Anglais du temps de leur occupation.
Depuis le Shah Burj (la Tour du Roi), l'empereur surveillait ce qui se passait au pied des remparts, entre la muraille et la rivière : manifestations populaires, combats d'éléphants, la routine en somme...
Le Sawan, complété à l'opposé par son frère jumeau, le Bhadon, est un merveilleux pavillon moghol, arrosé également par le ruisseau de paradis.
À l'issue de cette visite, je dois avouer que le temps avait passé sans même que je m'en rendisse compte. Toutes ces minutes passées à admirer les détails exceptionnels des palais du fort comme à profiter du calme sournois des jardins, avaient fini par faire des heures. Je l'ai quitté bien à regret, ce fort rouge...
[Lal Qila, Delhi, avril 2009]