Le tournant d'une vie ?
29 avril 2005. Une journée plus belle qu'aujourd'hui, il fait chaud, je dépasse machinalement une file de voitures dans une rue sens unique. Une voiture surgit à gauche, plus rien... Pour la première et seule fois de ma vie, j'ai perdu connaissance.
Cela fait un peu bizarre de vous dire qu'une partie de votre vie est partie en fumée sans que vous sachiez ce qui s'est passé. Imaginer des gens vous regarder, se précipiter vers vous, tenter de vous ranimer, est une sensation troublante. Dans les films, on a droit souvent à une vue extérieure avec une voix-off. Là, rien de tout ça. Vous vous réveillez dans une ambulance, du monde s'agite autour de vous, vous crie des choses que vous ne comprenez pas. Vous, vous essayez de bouger pour voir ce qui se passe, on vous en empêche, vous insistez, la pression devient plus forte encore, vous renoncez... provisoirement. Vous ne savez pas où vous êtes. Par la vitre de l'ambulance, vous devinez Paris, vous essayez de bouger, en vain. On vous dit que vous êtes miraculé, après un vol plané de plus de quinze mètres, vous demandez dans quel état est votre moto, car la mémoire commence à revenir. On vous répond évasivement, vous essayez de vous relever, toujours sans succès, plaqué par des ambulanciers peu compréhensifs, ou peut-être trop. Vous sentez vos doigts de pied bouger, vous sentez cette douleur omniprésente mais très supportable qui finalement vous rassure. L'hôpital est là : un scanner complet puis une attente interminable... Le bilan tombe, aussi laconique que rassurant : rien. Enfin, seulement deux côtes fracturées. Votre corps n'est pourtant qu'une plaie mais vous pensez que vous vous en remettrez.
La réalité est tout autre. Pendant les longues semaines qu'a duré ma convalescence, la perte définitive de ma moto a créé un sentiment de vide que rien ne pouvait combler. Combien de fois me suis-je surpris à penser que finalement, j'aurais dû subir le même sort qu'elle ? Et puis, il y a eu ces vertiges rotatoires incontrôlables et cette peur de ne plus jamais être comme avant. Mais le temps est fort, il vient à bout de tant de peines, de craintes, de blessures. Moins de trois mois plus tard, les vertiges venaient de disparaître, les douleurs s'étaient estompées et j'étais remonté - oh, une fois - sur une moto.
Aujourd'hui, bien sûr, difficile de ne pas penser à ce douloureux anniversaire. J'ai racheté la même moto, cette moto de rêve qui ne peut que ravir celui qui la pilote, et qui a failli me tuer, il y a un an. Dans ce terrible accident, j'ai eu une chance unique, celle de ne pas m'en souvenir.
Ah oui, la photo... je l'avais prise lors d'une manifestation de la FFMC qui a toujours eu le sens du spectacle pour stigmatiser la dangerosité de certaines infrastructures, notamment les glissières dites de sécurité.