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Publié par Maitre Po, devin

Le mois dernier, j'ai approché un mythe. Et de près. J'ai déjà - comme pas mal de monde - raté Gérard Philipe et Louis Jouvet. Que de regrets de ne pas avoir pu voir le premier ou entendre le second ! Certes, j'ai vu Depardieu et Barbara, ensemble. Mais cela fait si longtemps. Il était temps de ressentir à nouveau ce sentiment confus hésitant entre chance et honneur, entre émotion et plaisir.

Le Malade Imaginaire était joué au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Mais ce soir-là, les manifestants avaient envahi Paris. La circulation, rendue presque impossible au centre de la capitale, m'a contraint à faire une bonne partie du trajet sur le trottoir pour ne pas arriver en retard, imité ou imitant de nombreux deux-roues. Je garai rapidement la moto près du théâtre, dix minutes avant le lever du rideau. Quelques manifestants passaient encore, clairsemés, assagis. Peu importe, j'étais arrivé à l'heure !

Des années que je n'étais pas allé au théâtre. J'avais oublié. Ces chuchotements, ces conversations surréalistes  sur l'emploi du temps de la journée, la famille, l'actualité ou la scène. Et ce silence respectueux qui accompagne les coups du brigadier. Puis, le rideau s'est levé. L'orientation dramatique (à moins qu'elle ne fut minimaliste) de la mise en scène avait supprimé le ballet bucolique initial et la pièce commençait tout naturellement par le monologue d'Argan, trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt.

Michel Bouquet (oui, oui, c'est bien lui, le mythe) est là, juste devant moi. Je réalise alors qu'un  mythe, c'est avant tout une voix. Malheureusement, je ne sais pas trop comment définir une voix, ce n'est pas un accent ou une puissance que j'ai notés ce soir-là, mais un timbre, chaud, amical, rassurant. De plus, la pièce est un pur régal, comme Molière sait nous les servir, et une ovation attendra le mythe et la troupe qui l'accompagnait avec talent.

Détail amusant : Gérard Philipe dans Caligula (ma pièce préférée, avec Les Caprices de Marianne), c'était en 1945. Une de mes scènes favorites, c'est l'audition des poètes par le jeune empereur. L'un deux, plus jeune encore, Scipion, était interprété par... Michel Bouquet. On a bien du mal à imaginer Gérard Philipe plus vieux que Michel Bouquet !

Le 17 février 1673 (il y a exactement 336 ans), se tenait la quatrième représentation du Malade Imaginaire dont la première avait eu lieu une semaine auparavant. Molière n'était que l'ombre de lui-même. Malade depuis de nombreuses années, affecté par la disparition de Madeleine Béjart dont c'était ce soir-là, le premier anniversaire, et celle, très récente, de son second fils, il avait perdu le crédit du roi au profit de Lulli. Ses amis et partenaires de toujours tentèrent de le dissuader de jouer ce soir là, mais, par bravade, par conscience artistique ou simple négligence, il monta sur scène. Dans le ballet final, il fut en proie à une crise sévère. Conduit à son domicile de la Rue de Richelieu, toute proche, il y décèdera quelques heures plus tard, un an jour pour jour après celle qui fut sa première compagne et son égérie...

Le Malade Imaginaire est une diatribe de plus contre les médécins, plus virulente encore que les précédentes. La mort y est étrangement très présente, Argan ne va-t-il pas jusqu'à contrefaire le mort ? Les répliques sont particulièrement affûtées et le personnage de Toinette est haut en couleurs, mêlant bon sens et ingéniosité. Si d'aventure, il vous prenait l'envie brutale et irraisonnée de relire le texte de cette oeuvre, c'est possible ici :

-> Texte intégral du Malade imaginaire

Commenter cet article

V
Est-ce Francis Huster qui est tout petit ou Maître Po qui est très grand?
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M
<br /> <br /> Francis Huster est tout petit et immense.<br /> Maître Po, lui, il est grand... et c'est tout ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
M
Gérard Philippe, voici un acteur que je regrette également de n'avoir pas vu sur scène. C'est là que je me dis que je ne suis pas née à la bonne époque où que j'aimerais avoir une machine à remonter le temps.
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M
<br /> <br /> Moi, que je sois né à la bonne époque ou non, une machine à remonter le temps, ça me plairait bien ;-Þ<br /> Au passage, j'aime bien aussi le film de George Pal ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je peux t'offrir des photos de théâtre pour un plaisir partagé.<br /> Tu peux communiquer sur mon mail.<br /> A plus, même si je suis toujours plantée sur mon centrage de texte sur une page de mon blog !
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M
<br /> En vérifiant les commentaires affichés sans réponse, je constate des mois plus tard que c'était le cas de celui-ci. J'espère que le problème est résolu depuis tout ce temps ;-)<br /> <br /> <br />
B
"Le poumon vous dis-je, le poumon !"<br /> Lorsque j'étais jeune, je voulais devenir comédienne.<br /> A Rouen, j'ai joué dans "Les femmes savantes" mais j'avais le rôle d'Ariste, qui était un homme !<br /> Lorsque je suis arrivée à Paris à 17 ans, c'est au théâtre de la Porte Saint Martin que j'ai atterri. Ce n'était pas "Le malade imaginaire", c'était Hair, avec Julien Clerc. Puis avec G. Lenorman. J'ai dû voir "Hair" au moins une cinquantaine de fois. Je voulais rentrer dans la troupe qu'ils étaient en train de créer pour aller jouer à Bruxelles. Malheureusement, le théatre de Bruxelles avait brûlé !<br /> La représentation finie, les costumes rangés, le démaquillage terminé, la plupart des artistes se retrouvaient au bar jouxtant. Tous les soirs, je les attendais de pied ferme car j'aimais leurs avis sur les fautes qu'ils avaient commises et tout le toutim. A travers eux, je voulais apprendre le métier.<br /> Merveilleux théâtre que celui de la Porte St Martin. Et merveilleux aussi de connaître toutes les coulisses, les loges, l'endroit où sont réservés les décors, toute la mécanique...<br /> Tous les soirs, on me laissait entrer, je pouvais me balader de partout, aller dire bonjour aux comédiens et aller m'installer où bon me semblait, enfin là où il y avait une place. J'aimais bien aller du poulailler, juste au-dessus de la scène, ou tout au fond, et visualiser la différence.<br /> D'ailleurs, j'ai vu qu'ils rejouaient "Hair" au théâtre du Casino, rue de Clichy, mais paraît-il que cela a été "revu et corrigé" et que c'est pas bon pour les nostalgiques, hi hi !<br /> Bon, revenons à ton article :<br /> Aaaaah Michel Bouquet ! J'ai envie de la faire à la Lucchini (que je connais aussi personnellement) en regardant mes ongles... mais il n'y aurait pas l'intonation !<br /> Je suis aussi allé voir le "texte intégral" que tu proposes, mais ce n'est pas pareil que d'avoir ce petit bouquin que j'avais à l'époque....<br /> Amitiés, et merci pour t'être intéressé au cas de cette blogueuse qui a des soucis.
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M
<br /> <br /> Coucou Bellelurette ;-)<br /> Etr merci de ce merveilleux commentaire !<br /> On était à tes côtés sur les planches, on vibrait en même temps que toi. Quant à ton imitation de Luchini, on s'y croirait. Bravo ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
V
Si tu as cinq minutes, pourrais-tu aller au Louvre et nous faire ensuite un article sur l'expo qui se tient autour de la Joconde ;-)
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M
<br /> <br /> J'ai vu un reportage dessus au JT... ce sont d'immenses Jocondes faites par un chinois, c'est ça ? ;-)<br /> Si je passe dans le coin, pas de problème... ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
N
J'ai un souvenir d'une pièce avec Michel Bouquet et Claude Brasseur, "A tort ou à raison" ! Michel Bouquet a reçu le Molière pour celle-ci. Un moment de pure magie par le jeu des acteurs et les intonations de sa voix lorsqu'il expliquait la situation (il jouait le chef d'orchestre Furtwängler) ... J'en ai encore des frissons à m'en rappeler !
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M
<br /> <br /> Ce qui est fascinant dans le jeu des acteurs, c'est la force de leur présence et de leur voix.<br /> Mais remets-toi, Nanne ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
L
je comprends votre émotion cher maitre, Michel Bouquet est une des plus grandes Légendes de la comédie en France, le voir devant soi sur scene doit etre un des plus beaux moments d'une vie.
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M
<br /> <br /> Oui, Louise, c'est un moment de bonheur et la pièce se termine que l'on voudrait qu'elle recommence...<br /> Ce soir, je vais voir une autre légende vivante ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
V
Ce théâtre-là vous a fort bien inspiré, Monsieur...<br /> Il y a quelques années de cela, j'avais eu le bonheur de voir Don Juan, à la Comédie française, avec Francis Huster... Quel souvenir!
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M
<br /> <br /> Il y a quelques années de cela, j'avais eu le bonheur de voir à la FNAC, Francis Huster dans le rayon dvd... Il était tout petit !<br /> <br /> Cependant, bien que cela n'ait pas dû changer, c'est un immense acteur ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
A
Ah ! cet article m'a caressée dans le sens du poil : j'en ronronne de plaisir ! Et d'émotion, aussi.<br /> Ton évocation de ces Comédiens mythiques - brillante - et la qualité de ton propos - humble et enthousiaste - me portent à te dire un grand MERCI pour ce magnifique Article.<br /> <br /> Vraiment, Salomon-Po, ton Blog est une mine d'or !
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M
<br /> <br /> Dis donc, si je suis Salomon, tu es la Reine d'ici-bas ;-Þ<br /> Bonne journée, Alice H ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
je comprends sans peine que tu ais eu de l'émotion de voir ce "monstre" de comédien, que nous avons la chance de connaitre.<br /> <br /> Pour moi, Michel Bouquet, c'est surtout Javert dans les misérables.<br /> <br /> et puis et puis ... <br /> le malade imaginaire, molière ... toute une littérature qui n'a pas pris une ride, qui est toujours si vrai à notre époque.<br /> <br /> bises
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M
<br /> <br /> Coucou Cat ;-)<br /> Je n'ai pas vu la version des Misérables avec Michel Bouquet. Mais la distribution en est alléchante. Me lècherais laisserais bien tenter, si<br /> l'occasion s'en présente ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
B
En effet, c'est une excellente pièce qui contribue à la "légende" de Molière qui, comme tu l'expliques, n'est pas mort sur scène. Pourtant, les artistes se plaisent à le croire parce que, peut-être, c'est vraiment l'idéal du comédien ou du chanteur... <br /> <br /> Je n'ai jamais assisté à une pièce avec Michel Bouquet mais je veux bien te croire lorsque tu parles de mythe. Il fait partie des derniers "grands".<br /> <br /> Et, merci pour ton passage chez moi cher Maître ;-)
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M
<br /> <br /> Bonjour Béatrice ;-)<br /> Je me demande d'ailleurs si certains n'attendaient pas que Michel Bouquet fasse de même... Je dis ça parce qu'à ma grande honte, je dois avouer que la pensée m'a traversé l'esprit (je dois<br /> l'avoir un peu tordu). Mais fort heureusement, il n'en a rien été, et puis, à 83 ans, c'est un jeune homme ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
Q
Je suis...<br /> <br /> émerveillée ?<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Non, ce n'est pas le bon mot.<br /> Je suis émue, oui, c'est vrai, par ce que tu nous dis, par la façon dont tu nous présentes la pièce, par les souvenirs que cela fait remonter à ma mémoire.<br /> <br /> Tu as raison. Gérard Philipe, c'est un "immortel", il n'aura jamais l'âge de Michel Bouquet... Mais si les deux ont su t'émouvoir, c'est qu'ils sont "grands"... de merveilleux acteurs, des voix inoubliables... <br /> <br /> Il y en a comme ça.<br /> <br /> J'aime beaucoup ce billet... merci pour ce partage d'émotions.
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M
<br /> <br /> Merci à toi, Quichottine ;-)<br /> Bientôt, j'irai voir Jean Piat... je suis en plein dans une période Théâtre. Mais ça me passera sans doute comme c'est venu, je suis très cyclique, moi ;-Þ<br /> <br /> <br /> <br />
F
J'ai été que très peu au théatre et souvent voir une troupe peu connu ^^<br /> Sa doit être bien sympa en tout cas de voir cela dans une grande salle ^^
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M
<br /> <br /> Coucou Fauve ;-)<br /> La scène du théâtre de la Porte Saint-Martin était très profonde, presque carrée. Cela donnait une impression saisissante de relief.<br /> <br /> <br /> <br />
L
Très bel et bon article<br /> j'aime... Molière et Michel Bouquet<br /> le théâtre aussi mais je n'y vais que très rarement... mes meilleurs souvenirs remontent loin... une année scolaire parisienne où j'ai pu profiter du TNP de Jean Vilar et m'approcher des mythes...<br /> amicalement<br /> jean-marie
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M
<br /> <br /> Il y a quelques mois, j'ai vu un coffret à la FNAC, comprenant des CD et des DVD sur le TNP de Vilar, avec de nombreux extraits des pièces jouées, mais le prix m'avait un peu rebuté. Ce n'est<br /> plus sur leur site, mais on le trouve chez Amazon, malheureusement épuisé : Les Grandes Heures du TNP...<br /> <br /> <br /> <br />